Une statue inachevée, Inaya Al Ajnabi / Sarah B. Cohen

    Primitivement destinée au concours de nouvelles de Muret, « Une statue inachevée » a été ultérieurement réécrite à 4 mains par Inaya Al Ajnabi et Sarah B. Cohen ; y sont jointes les reproductions de 8 photographies n&b de Thami Benkirane qui participa en 2016 au festival Arabesques de Montpellier.

Dans un royaume africain, par un jour peu ordinaire, au cœur du mellah, dans la semi-obscurité de la librairie La Chrysalide, de longues heures silencieuses passent à la pendule. Tania, trentenaire mélancolique, songe combien il est nécessaire d’être persévérante pour vendre ces recueils de poésies qu’elle aime tant présenter en lecture. La porte s’ouvre ; entre un jeune homme qui adore Apollinaire ; puis une jeune femme à la recherche d’Alcools. Plus tard, le jeune homme recroisera la jeune femme, devant la vitrine d’une animalerie. Elle sourira à un poisson rouge, subjugué. Le jeune homme adoptera le poisson rouge et le nommera Spleen. Ainsi Tania, un jeune homme, une jeune femme et un poisson rouge souffrirent-ils des affres de l’amour. Sonna l’heure de Salat Icha ; les patios et jardins de la médina délivrèrent leurs secrets.
    Une statue inachevée est un conte. L’une des conteuses est marocaine ; elle a lu Kundera. La seconde, française, déclare que sa famille est originaire de Moravie. Elles se croisèrent en Bohème. Naquit ce texte écrit sous la pleine lune et les Perséides. Dans la nuit, une pluie délicate caressait les fleurs, une femme raconta l’histoire de son amour mort à la guerre, une libraire récita des poèmes d’Apollinaire, d’Abdellatif Laâbi et d’Anna Akhmatova. Le lendemain, un grand soleil resplendissait et de blanches lessives séchaient sur les terrasses de la médina, aussi blanches que l’albâtre d’une statue, inachevée.

    Thami Benkirane est né à Fès le 21 décembre 1954. Il pratique la photographie depuis 1976. Il a à son actif plusieurs expositions au Maroc et à l’étranger (Algérie, Tunisie, Liban, Iran, Mali, France, Allemagne, Espagne, Italie). En 1999, il a participé à l’année du Maroc en France et à « Fès et gestes », durant le Festival Arabesques 2016 de Montpellier.
    "La photo vient en aval de la corvée de lessive ; il n’y a pas de machine à laver le linge. C’est encore la femme qui trime. Le linge accroché à une corde évoque tout un rituel de la vie ordinaire, obéit à un rythme qui alterne formes et couleurs, évoque nos corps au propre et au figuré, dit la caresse du soleil (le linge respire, danse au vent et ne sèche pas dans le tambour d’un séchoir électrique…).Dans mon cas, l’attrait pour le linge qui sèche en pendant d’une corde a commencé avec la série “Codes-barres de la pesanteur” quand j’avais constaté que le linge accroché à un fil ressemble à un volatile vaincu par la gravité terrestre."

Thami Benkirane

Inaya Al Ajnabi aux éditions de l’Obsidienne

Les Entretiens, Cahier n°4, Inaya Al Ajnabi / Sarah B. Cohen, avril 2019

Rencontre, Inaya Al Ajnabi / Achraf Chiadmi, juin 2019
Texte : Inaya Al Ajnabi, Achraf Chiadmi
Infographies : Sarah B. Cohen

Figures, Inaya Al Ajnabi / AbdelRafour Essafi, avril 2020
Texte : Inaya Al Ajnabi
Visuels : AbdelRafour Essafi

Une statue inachevée, Inaya Al Ajnabi / Sarah B. Cohen, ISNB 979-10-91874-33-5, éditions de l’Obsidienne, octobre 2022, Montpellier